BURT LANCASTER, GUEPARD, FAISEUR DE PLUIE OU VIEUX PROFESSEUR SOLITAIRE....
BURT LANCASTER 1913 - 1994
Acteur, Producteur Américain
Burt Lancaster est né le 2 novembre 1913 à New York (USA). Après avoir effectué des études normales, Burt Lancaster a développé très jeune ses dons de gymnaste et devient acrobate professionnel. Des tournées avec des cirques; son partenaire et ami, Nick Cravat, jouera dans plusieurs de ses films, il monte un numéro de trapèze et se produit dans les cirques et les music-halls, jusqu'à ce qu'un abcès au doigt le contraigne à rechercher une profession moins mouvementée.
En 1942, il est mobilisé, mais est affecté, en raison de ses antécédents artistiques, au divertissement des hommes de troupe. En 1945, sa prestance athlétique lui vaut un petit rôle à Broadway dans la pièce "A Sound of Hunting". Il n'a encore jamais joué, mais cependant sa présence en scène impressionne favorablement les critiques et attire l'attention des "talents scouts" hollywoodiens.
Sur le point de signer son premier contrat de cinéma avec Hal Wallis, Lancaster fait déjà preuve de sa volonté d'indépendance en exigeant d'être libre de tourner au moins un autre film par an pour une autre compagnie. Judicieuses précaution car, en fait, c'est bien un autre producteur, Mark Hellinger, qui va lui offrir ses premiers rôles importants. Il sera remarquable dans son premier film, "Les Tueurs" (The Killers,1946) de Robert Siodmak d'après Hemingway, où il exprime, avec une étonnante sobriété, le désespoir tranquille et l'aura tragique qui émanent de son personnage. Sa partenaire fut Ava Gardner. Sa puissance dramatique concentrée convient à l'atmosphère dense et à la violence du film noir, des "Démons de la liberté" (Brute Force,1947) de Jules Dassin (Ce film sur les prisons est un modèle du genre, typique des films "noirs" de l'immédiate après-guerre, d'une violence rarement égalée), à "Pour toi, j'ai tué" (1949) de Robert Siodmak.
Burt Lancaster a débuté relativement tard à l'écran, et c'est peut-être cette maturité peu commune chez les acteurs néophytes qui va le pousser à devenir très rapidement son propre producteur en association avec son agent Harold Hecht. Leur premier film, "Les Amants traqués" (Kiss the Blood Off My Hands,1948) de Norman Foster, ne mérite guère de passer à la postérité, si ce n'est un détail insolite : Lancaster, dit-on, y aurait réellement subi les outrages du chat à neuf queues afin de donner plus d'authenticité à la scène en question...Avec plus de perspicacité, le nouveau producteur choisit ensuite un film de cape et d'épée pour lequel il engagera son ancien coéquipier Nick Cravat. Dirigé avec brio et humour par Jacques Tourneur, "La Flèche et le flambeau" (The Flame and the Arrow,1950) est une indéniable réussite et Lancaster y bondit, y caracole et y ferraille en digne émule de Douglas Fairbanks ou de l'Errol Flynn de la grande époque. Un succès réédité avec "Le Corsaire rouge" (The Crimson Pirate,1952), confié cette fois à Robert Siodmak : même rythme endiablé, même charme à la fois naïf et ironique.
Entre-temps, Lancaster aura tourné sous la direction de William Dieterle dans "La corde de sable" (Rope of Sand,1949) aux côtés de Paul Henreid, Claude Rains et Peter Lorre, dans l'action se situe en Afrique du Nord, comme "Casablanca" avec de nombreuses similitudes...Deux ans plus tard, il incarne un joueur de football dans "Le chevalier du stade" (Jim Thorpe, All American,1951) de Michael Curtiz, enchaîne avec "La vallée de la vengeance" (Vengeance Valley,1951) de Richard Thorpe, il refusa d'être doublé et exécuta lui-même toutes les cascades, ce fut l'un des premiers westerns réalistes pour la violence des combats à poing nus. C'est en 1953, que le réalisateur Daniel Mann tourna "Reviens, petite Sheba" (Come Back little Sheba) lequel fut récompensé au Festival de Cannes en obtenant une mention spéciale en 1953, le film lui-même fut honoré par le Prix International du film dramatique. En outre, le film fut classé à la 13ème place des meilleurs de l'année 1953 aux Etats-Unis. Enfin, "Le Roi des îles" (His Majesty O'Keefe,1953) fut le cinquième film produit par la compagnie de Lancaster, il y retrouvait pour la seconde et dernière fois Byron Haskin, déjà réalisateur de "L'Homme aux abois" (I Walk Alone,1947), qui avait marqué sa première rencontre avec Kirk Douglas.
1953 marque une double consécration pour Burt Lancaster : il est candidat à l'Oscar pour son interprétation dans "Tant qu'il y aura des hommes" (From Here to Eternity) de Fred Zinnemann, tandis que la mémorable scène de la plage, qui révèle son torse viril, plonge dans l'émoi des millions de spectatrices du monde entier ! Le film obtint 8 Oscars et fit une carrière triomphale. A noter la prestation de Frank Sinatra, Montgomery Clift et Deborah Kerr autour de Lancaster. Redevenu producteur, Lancaster permet ensuite à Aldrich de tourner ses deux premiers westerns. Dans "Vera Cruz" (1954), son tempérament exubérant est mis en relief par l'impassibilité hiératique de Gary Cooper et aboutit à des effets semi-parodiques. Cette vitalité qu'il infuse si naturellement à son personnage, il la communiquera encore au truculent mercenaire qu'il incarne dans "Les Professionnels" (The Professionnals,1966à, le film de Richard Brooks qui va redonner un nouvel élan à sa carrière. En choisissant de jouer un rôle d'indien, sous la direction de Robert Aldrich, dans "Bronco Apache" (Apache, 1954), il affirme sa sympathie pour une cause qui n'est pas encore à la mode. Déjà, en 1951, il avait incarné un célèbre athlète indien dans "Le chevalier du stade", dans un autre superbe western de John Huston, "Le Vent de la plaine" (The Unforgiven,1960), il prend la défense de sa présumée demi-soeur métisse incarnée par Audrey Hepburn. "Bronco Apache" fut l'un des premiers westerns pro-Indiens, vingt ans plus tard, Robert Aldrich tourna une nouvelle version "Fureur Apache" (Ulzana's Raid,1972). La fin des années 60 avait marqué un certain flottement dans ses rôles : "Scorpio" (1973) avec Alain Delon lui permet de réaliser certaines prouesses physiques. Ce démocrate convaincu, qui s'est battu pour les droits civiques et l'égalité raciale, se passionne dans "Executive Action" (1974), pour l'assassinat de Kennedy?
En revanche, Burt Lancaster est souvent moins à l'aise dans les rôles en demi-teintes, tout en nuances psychologiques, encore qu'il ait réussi une magnifique composition dans "Le Prisonnier d'Alcatraz" (Birdman of Alcatraz,1962) de John Frankenheimer, parfaitement convaincant dans le personnage de Robert Strouf, assassin condamné à la prison à perpétuité et qui, dans la solitude de sa cellule, trouve une nouvelle raison de vivre dans l'étude des oiseaux. Mais il n'était pas fait pour interpréter l'alcoolique mal repenti et velléitaire de "Reviens petite Sheba", insupportable mélodrame de Daniel Mann. On peut également souligné son rôle d'un juge allemand de "Jugement à Nuremberg" (Judgment at Nuremberg,1961) de Stanley Kramer, un film aussi redoutable que pétri de bonnes intentions. Là ou Lancaster excelle, c'est dans les rôles de "méchants", auxquels sa voix calme, son sourire et sa détermination tranquille apportent une dimension véritablement inquiétante. On se souviendra en particulier du journaliste malfaisant du "Grand Chantage" (Sweet Smell of Success,1957) d'Alexander Mackendrick ou du politicien ambitieux qui complote contre le Président des Etats-Unis dans "Sept jours en mai" (Seven Days in May,1964) de John Frankenheimer avec Kirk Douglas en opposant.
Avec des ambitions aussi éclectiques que celles de Burt Lancaster, il fallait s'attendre à ce qu'il passe tôt ou tard derrière la caméra. Malheureusement, ses deux expériences comme réalisateur n'ont guère couronnées de succès "L'Homme du Kentucky" (The Kentuckian,1955) est un honnête wester, assez banal; en revanche, "Le Flic se rebiffe" (The Midnight Man,1974) coréalisé avec Roland Kibbee, est un policier intéressant, au scénario très original. Burt Lancaster a débuté dans la vie comme acrobate et c'est avec la même maîtrise souriante qu'il s'est imposé comme acteur de cinéma : avec une aisance et un naturel communicatifs qui font oublier le travail et la patience d'un professionnel sûr de son métier. Ses dons athlétiques ont apporté une authentique inhabituelle aux "pirateries" hollywoodiennes et insufflé une nouvelle et ephémère jeunesse au film de cape et d'épée. Il n'est certes pas fait pour jouer des personnages neutres et effacés, et son magnétisme de comédien à fait merveille dans des rôles "forts", comme celui du "Faiseur de pluie" (The Rainmaker,1956) de Joseph Anthony. Pour les cinéphiles, il restera sans doute l'inoubliable "Elmer Gantry, le charlatan" (Elmer Gantry,1960). Son éblouissante performance dans ce chef d'oeuvre de Richard Brooks lui vaudra un Oscar rarement mieux mérité, mais c'est en toute sincérité qu'il déclara : "Je n'ai pas vraiment joué -Elmer Gantry, c'est moi."
On peut également citer de nombreux films tournés par Burt Lancaster et qui ont fait sa notoriété comme "La Rose tatouée" (The Rose Rattoo,1955) de Daniel Mann avec Anna Magnani, en effet, Lancaster était las de jouer les personnages héroïques, ses trois derniers films ayant été des westerns, il fut enthousiasmé d'être confronté à un authentique monstre sacré...Après son duo avec Gary Cooper, Lancaster donna également la réplique à Clark Gables dans "L'Odyssée du sous-marin Nerka" (Run Silent, Run Deep,1958) de Robert Wise. Il y eut aussi "Le temps du chatiment" (The Young Savages,1961) de John Frankenheimer sur le problème de la délinquance juvénile. Quant à "Un enfant attend" (A Child is waiting,1962) du célèbre cinéaste John Cassavetes avec Burt Lancaster, Judy Garland et Gena Rowlands, le film s'impose comme un document très réaliste sur le sort des enfants handicapées....
Ce magnétisme naturel et cette puissance de conviction auraient pu pousser Lancaster à se cantonner dans des rôles interchangeables. Bien au contraire, le goût de la performance et le professionnalisme exigeant de l'acteur vont le pousser à étendre de plus en plus son registre et à tenter sans cesse de nouvelles expériences. Il sera ainsi l'une des premières grandes stars hollywoodiennes à tourner en Europe, apportant une fière prestance et une noble mélancolie au personnage du "Guépard" (Il gattopardo,1963) de Luchino Visconti avec lequel il tournera encore l'inquiétant "Violence et passion" (Gruppo di familia in un interno,1974). Il sera aussi le patriarche de "1900" (Novecento,1976) de Bernardo Bertolucci.
Cette exigence même ne facilite d'ailleurs pas toujours les rapports professionnels avec Burt Lancaster, réputé tyrannique. Sir Laurence Olivier renoncera ainsi à diriger - et même à interpréter - "Tables séparées" (Separate Tables,1958) de Delbert Mann en raison d'une humeur rédhibitoire...Toutefois Burt Lancaster sait aussi se montrer malléable et docile lorsqu'il tourne sous la direction de cinéastes qu'il estime et avec lesquels il s'entend bien, comme Robert Siodmak, Robert Aldrich, Richard Brooks, et quelques-uns d'autres...."Trapèze" (1956) de Carol Reed fut la plus grosse production Lancaster-Hecht. Il était normal que Lancaster, ancien acrobate et trapéziste, tienne un jour le rôle d'un trapéziste dans un film! Les principales séquences furent tournés au Cirque d'Hiver à Paris avec Tony Curtis et Gina Lollobrigida.
Ayant perdu bien des illusions comme réalisateur et beaucoup d'argent comme producteur, Burt Lancaster n'a cependant pas capitulé devant les supergadgets hollywoodiens. C'est tout à son honneur d'avoir participé à une oeuvre aussi anticonformiste et peu commerciale que "The Swimmer" (1968) de Frank Perry, et de n'avoir pas caché son profond mépris pour le pur produit de marketing qu'est "Airport" (1970) de George Seaton (premier d'une série de films de catastrophes aériennes). Il est en effet resté fidèle à une certaine conception plus dynamique du cinéma d'action, qui s'exprime encore dans des productions à petit budget. Burt Lancaster a ainsi réalisé l'une des meilleures performances d'acteur dans "Le Merdier" (Go Tell the Spartans,1978) de Ted Post, le seul film de guerre américain qui ait osé aborder avec courage et lucidité, sans fard et sans rhétorique, le conflit vietnamien.
A la fin des années soixante-dix, Burt Lancaster s'envole pour l'Afrique du Sud afin de tourner sous la direction de Douglas Hickox dans "L'ultime attaque" (Zulu Dawn,1979) qui se veut un remake modernisé de "Zoulou" (1963), écrit par son réalisateur Cy Endfield, avant d'apparaître dans son dernier western, "Cattle Annie and Little Britches dans lequel il joue Bill Doolin, authentique hors-la-loi du vieil Ouest.
En 1980, affaibli par une opération, il reprend le chemin des studios pour fignoler, sous la direction de Louis Malle dans "Atlantic City", le portrait d'un petit escroc sans envergure qui lui vaudra maintes récompenses ainsi qu'une quatrième nomination à l'Oscar. Il choisit toujours ses rôles avec parcimonie, acceptant d'incarner un général dans "La Peau" (La Pelle,1981) de Liliana Cavani d'après Malaparte, un magnat du pétrole dans "Local Hero" (1983), fable écologique écrite par un jeune réalisateur écossais qui n'osait espérer le voir figurer dans son film de Sam Peckinpah.
Mais sa santé est de plus en plus déclinante et il doit être opéré à coeur ouvert, subir un quadruple pontage et céder à Gregory Peck le rôle d'Ambrose Bierce dans "Old Gringo" (1989). Il joue pour la dernière fois aux côtés de son vieux rival et complice Kirk Douglas dans "Coup double", puis tient le rôle principal de "La boutique de l'orfèvre" (The Jeweller's Shop,1989) de Michael Anderson, adapté d'un roman d'Andrzej Jawien, un pseudonyme cachant Karol Wojtyla alias le pape Jean-Paul II. Sa dernière apparition au cinéma sera aux côtés de Kevin Costner, en ancienne gloire du base-ball, dans "Jusqu'au bout du rêve" (Field of Dreams,1989) de Phil Alden Robinson.
Si au cours des années quatre-vingt, l'acteur a sérieusement ralenti ses activités au cinéma, il a en revanche multiplié ses créations à la télévision : "Moïse" dans le téléfilm du même nom, le pape Grégoire X dans "Marco Polo" un chef de commando dynamique à 73 ans! dans "Sur les Ailes des Aigles", un vieux paralytique dans "Embarquement pour l'enfer" qui retrace le détournement en octobre 1985, par des terroristes du paquebot de croisière "Achille Lauro", l'ancien directeur de l'Opéra de Paris enfin dans une nouvelle version du "Fantôme de l'Opéra" d'après Gaston Leroux. Victime d'un malaise cardiaque le 1er décembre 1990, il ne put terminer "Separate But Equal", un drame politique tourné en Caroline du Sud aux côtés de Sidney Poitier. A moitié paralysé par une attaque d'hemiplégie, Burt Lancaster meurt d'une crise cardiaque le 21 octobre 1994 à l'âge de 80 ans à Los Angeles. Son vieux camarade Nick Cravat, qu'il avait peu connu au cirque,l'avait précédé de peu, victime d'un cancer des poumons en janvier de la même année...
1946
La Furie du désert - 1947 de Lewis Allen
1947
"Brute Force" (1947)
1948
Ils étaient tous mes fils - 1948 de Irving Reis
La Corde de sable - 1949 de William Dieterle
1950
La Flèche et le Flambeau - 1950 de Jacques Tourneur
1951
La Vallée de la vengeance - 1951 de Richard Thorpe
Le Chevalier du stade - 1951 de Michael Curtiz
1953
1954
Bronco Apache - 1954 de Robert Aldrich
1955
L'Homme du Kentucky - 1955 de Burt Lancaster
1956
1957
Réglement de comptes à O.K. Corral - 1957 de John Sturges
Le Grand Chantage - 1957 de Alexander Mackendrick
L'Odyssée du sous-marin Nerka - 1958 de Robert Wise
Tables séparées - 1958 de Delbert Mann
Au fil de l'épée -1959 de Guy Hamilton
1960
Sur la piste de la grande caravane -1965 de John Sturges
L'Homme de la loi - 1971 de Michael Winner
Fureur Apache - 1972 de Robert Aldrich
Coup double - 1986 de Jeff Kanew
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