NINO MANFREDI, NOUS NOUS SOMMES TANT AIMÉS
NINO MANFREDI 1921 - 2004
Acteur, Chanteur Italien
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Il fut l'un des acteurs les plus populaires de la commedia dell'arte, Nino Manfredi a conféré une humanité souvent pathétique à des personnes très représentatifs du petit peuple rural ou urbain de l'Italie. Nino Manfredi est né le 22 mars 1921 à Castro deui Volsci, dans la Ciociara, il a gravi tous les échelons de la carrière artistique avant de devenir l'un des acteurs comiques italiens les plus populaires et les plus talentueux de sa génération. Ses débuts furent d'autant plus méritoires que sa famille ne put subvenir qu'au prix d'importants sacrifices financiers à ses études d'art dramatique, qu'il poursuivit juste après la guerre tout en complétant les subsides que lui fournissaient les siens avec les modestes rémunérations que lui procuraient quelques petits métiers occasionnels.
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Dès 1947, cependant, Nino Manfredi eut l'occasion de prouver que sa vocation n'était pas illusoire en participant aux Festival de la jeunesse de Prague. Il figurait dans deux spectacles respectivement mis en scène par Luigi Squarzina et Vito Pandolfi, le premier étant une adaptation d'un récit résistancialiste de Sergio Solima, "L'uomo e il fucile". Cette expérience lui permit de faire ensuite partie de quelques-unes des compagnies théâtrales parmi les plus intéressantes de l'après-guerre. Dans des rôles encore mineurs, il a joué ainsi Arthur Miller, Giraudoux; Clifford Odets et Shakespeare sous la direction de Vittorio Gassman et Eva Maltagliati, avant d'apparaître sur la scène du Piccolo Teatro de Milan de Giorgio Strehler, puis du Piccolo Teatro de Rome dirigé par Orazio Costa.
Parallèlement, Nino Manfredi avait entamé une carrière cinématographique sans grand relief, et c'est toujours au théâtre qu'il eut, jusqu'à la fin des années 50, la possibilité de se perfectionner et de s'affirmer. On le vit jouer dans plusieurs opérettes à succès telles que "Un trapezio per Lisistrata" ou, surtout, "Rugantino" de Garinei, Giovanini et Pasquale Festa Campanile qui fut présentée en 1962 et 1963 et fit un triomphe à Broadway et à Buenos Aires. A l'époque, la voix de Nino Manfredi était des plus familières en Italie. C'est lui, en effet, qui doublait Gérard Philipe, et il se fit à la radio une réputation comparable à celle d'un Alberto Sordi ou d'un Ugo Tognazzi. Ses sketches radiophoniques avaient du reste révélé ses capacités de créateur dont sa première réalisation cinématographique, quelques années plus tard, allait confirmer la vigueur et l'originalité.
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Au cinéma, Nino Manfredi dut attendre une dizaine d'années avant de pouvoir donner la mesure de sont talent. Il avait débuté en 1949 dans "Monastero di Santa Chiara" de Mario Sequi. Pour des raisons d'économie, il poursuit d'autres tournages comme "Torna a Napoli" (1949 de Domenico Gambino. Engager un acteur coûtait trop cher tandis que Manfredi était peu cher, on pouvait même ne pas le payer et seulement le nourrir. Après sept ou huit films médiocres, il tourne sous la direction de Mauro Bolognini "Les Amoureux" (Gli Innamorati,1955), film qui représente l'Italie au festival de Cannes. En 1959, deux films ont marqué un tournant dans sa carrière : "Hold-up à la milanaise" (Audace colpo dei solitiignoti), comédie de Nanni Loy dans laquelle son personnage était encore quelque peu "écrasé" par celui de Vittorio Gassman, et surtout "L'Impiegato" de Giani Puccini, dont il collabora d'ailleurs au scénario. Cette satire pathétique et amère du petit monde des ronds-de-cuir, demeurée inexplicablement inédite en France, faisait découvrir un Manfredi véritablement poignant dans le rôle d'un petit employé dévoré par les chimères d'une existence plus radieuse. Avec ce film, Manfredi a imposé à l'écran le personnage qu'il n'allait cesser d'approfondir par la suite, à savoir celui du petit bourgeois très ordinaire, sans caractéristiques particulières, velléitaire et constamment humilié dans sa vie quotidienne. Les films qui se succédèrent après ce coup de maître furent des variations sur ce même thème, depuis "A cheval sur le tigre" (A cavallo della tigre,1961) chef-d'œuvre de Luigi Comencini où le comédien utilisait les ressources dialectales de la langue italienne populaire avec une rare efficacité comique et dramatique, jusqu'à "Il Gaucho" (1964) de Dino Risi, où il faisait un émigrant désargenté, en passant par le très curieux "Bourreau" (El verdugo,1963) du réalisateur espagnol Luis Garcia Berlanga.
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Nino Manfredi avait alors accédé à une notoriété qui l'eût peut-être enfermé dans son personnage s'il n'avait gardé une volonté de recherche constante et de renouvellement. Le brio de ses interprétations est manifeste dans des films aussi différents que "Les Années rugissantes" (Anni ruggenti,1962) de Luigi Zampa, où il incarne avec brio un petit fonctionnaire du parti fasciste chargé d'aller mettre son nez dans les "magouilles" peu reluisantes des notables de la province italienne, et que "Opération San Gennaro" (Operazione San Ge,,aro,1966) de Dino Risi. Dans cette comédie policière menée de main de maître par le plus sarcastique de tous les cinéastes italiens, Manfredi compose un petit malfaiteur napolitain qui, las de fabriquer du faux whisky, accepte de seconder un gangster américain dans le cambriolage de la basilique de San Gennaro, et cela malgré ses comiques scrupules religieux. Son personnage Dudù, restera sans doute parmi ses créations les plus réussies et les plus savoureuses.
Au sein de la comédie à l'italienne, Nino Manfredi représente par excellence l'antihéros précipité dans des aventures qu'il n'a assurément pas recherchées, mais aussi l'Italien ordinaire dans toute sa petitesse et sa grisaille. A cet égard, c'est Dino Risi qui va pousser le plus loin l'expression de cette médiocrité. Manfredi est proprement génial dans "Fais-moi très mal, mais couvre-moi de baisers" (Straziami, ma di baci saziami,1968), cruelle et hilarante anthologie de la sentimentalité populaire traitée caricaturalement sous la forme d'un roman-photo, ainsi que dans "Une Poule, un train et quelques monstres" (Vedo nudo,1969), stupéfiant catalogue d'aberrations sexuelles frappées au sceau de l'imbécilité. A cette même période sort sur les écrans italiens "Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?"(Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l'amico misteriosamente scompariso in Africa ?,1968) d'Ettore Scola, en incarnant le beau-frère de l'éditeur Alberto Sordi, déçu de notre civilisation contemporaine, accompagné de son comptable Bernard Blier. A noter que ce film a été distribué en France que dix ans plus tard.
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Nino Manfredi s'était trop investi dans cette étonnante galerie de personnages pour ne pas faire œuvre résolument personnelle et ne pas passer de l'autre côté de la caméra. Son premier essai fut des plus concluants puisqu'en 1971 "Miracle à l'italienne" (Per grazia ricevuta,1971) fut consacré au Festival de Cannes avec le prix de la Première Œuvre, tandis que les auditrices de Ménie Grégoire, la populaire animatrice de Radio-Luxembourg, lui décernaient un prix de la Vérité destiné à récompenser le meilleur thème psychologique. C'était l'histoire d'un pauvre bougre de paysan (Nino Manfredi lui-même) qui, "miraculé" au cours de son enfance, ne réussissait à échapper à l'emprise de la religion, sous l'influence d'un pharmacien libre penseur, et à écouter la puissante voix de la nature, que pour retomber dans la plus puérile dévotion. Cette étonnante comédie satirique, qui valut à son auteur quelques coups de crosse, se distinguait par l'acuité de ses observations psychologiques et sociologiques, ainsi que par sa verve cinématographique, qui renvoyait du reste habilement dos à dos les adeptes de la crédulité religieuse et les disciples de M. Homais. Avant de mourir, le libertaire mentor du héros n'appelait-il pas un prêtre pour recevoir l'extrême-onction ?
Resté homme de théâtre, comme en témoigne, dans "Les Conspirateurs" (Nell'anno del signore,1969) de Luigi Magni, son personnage d'observateur impitoyable et malicieux de la Rome papale, au début du XIX e siècle, Nino Manfredi abordait les années 70 avec un prestige prometteur. Devenu le quatrième mousquetaire de la comédie à l'italienne, avec Vittorio Gassman, Alberto Sordi et Ugo Tognazzi, il allait marquer de sa présence quelques-unes des œuvres majeures de la décennie.
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Quatre films méritent d'être tout particulièrement remarqués. Dans "Les Aventures de Pinocchio" (Le avventure di Pinocchio,1972), Luigi Comencini a eu l'excellente idée de lui confier le rôle du "père" de la marionnette, et, de fait, Nino Manfredi conférait une très grande humanité à ce personnage vulnérable, démuni, mais assoiffé d'amour et de paternité. Si "Pain et chocolat" (Pane e cioccolata,1974) de Franco Brusati n'était pas à proprement parler un chef-d'œuvre, combien l'acteur était émouvant en petit émigrant italien soucieux de s'intégrer à une société et à une culture aussi étrangères à sa mentalité que celles de la Suisse! ("Pain et chocolat" a obtenu pas moins de douze récompenses internationales). Mais le meilleur Nino Manfredi c'est sans doute Ettore Scola qui a su en tirer parti, dans "Nous nous sommes tant aimés" (C'eravamo tanto amati,1974). Dans ce beau film romanesque au ton mélancolique, tendre et amer tout à la fois, Manfredi incarnait, face à Vittorio Gassman, un homme d'une rare intégrité morale, resté fidèle aux idéaux de la résistance et désespéré au spectacle des illusions perdues. Depuis "A cheval sur le tigre", jamais il n'avait peut-être tenu un rôle aussi dramatique et aussi profond. Toujours sous la direction d'Ettore Scola, Manfredi était enfin tout à fait surprenant dans la peau du répugnant patriarche de cette célinienne chronique du quart monde des bidonvilles de la banlieue romaine que constitue "Affreux, sales et méchants" (Brutti, sporchi e cattivi,1976). Ce merveilleux film de Scola remporta le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1976.
Depuis, Nino Manfredi semble avoir éprouvé quelque peine à retrouver une veine aussi heureuse que celle des films de Dino Risi, dans les années 60, ou d'Ettore Scola, dans les années 70. La faute en incombe-t'elle à une tendance de plus en plus prononcée au cabotinage, comme l'ont pensé certains critiques italiens et français, ou bien plutôt à un certain tarissement d'inspiration de la comédie à l'italienne? En réalité, c'est probablement la seconde raison qui est la bonne, la première en découlant.
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Par la suite, on peut constater que quelques-films se détachent des autres avec quelques éclats "Au nom du pape roi" (In nome del Papa Re,1977) de Luigi Magni. Fidèle à sa passion anticléricale et à une approche rigoureuse de la réalité historique telles qu'elles s'étaient déjà manifestées dans "Les Conspirateurs", Magni évoque avec une parfaite efficacité dramatique les trois dernières exécutions capitales perpétrées, en 1867, dans l'Etat du Vatican. Quant à Manfredi, il interprète un membre de la magistrature cléricale ébranlé par la foi patriotique de jeunes garibaldiens dont l'un d'entre eux n'est autre que son propre fils : "Ce qui m'intéresse le plus dans cette histoire, a déclaré le réalisateur, c'est la crise psychologique traversée par le héros tout à fait conscient de devoir défendre un monde, une idéologie, une politique désormais indéfendables." En 1979, Nino Manfredi incarne un napolitain du nom de Michele Abbagnano dans "Café express" de Nanni Loy, tiré d'une histoire vraie, d'un marchand de café qui écoulait ses boissons en fraude dans les trains. Depuis "Miracle à l'italienne, Nino Manfredi n'avait fait aucune autre tentative dans le domaine de la réalisation, au grand regret de ses admirateurs. Aussi son retour fut-il accueilli avec beaucoup d'espoir. Malheureusement, si l'on en croit la critique italienne, son second film est loin d'avoir les mêmes qualités que le premier. Inédit en France, "Nu de femme" (Nudo di donna,1981) rappellerait certaines œuvres d'Alberto Lattuada, du moins quant à ses thèmes. La réalisation proprement dite d'un ton assez pirandellien, en revanche, en serait assez terne et relativement impersonnelle. Nino Manfredi, comédien de génie et véritable auteur, aurait-il dès lors manqué une grande carrière de réalisateur?. Quoi qu'il en soit, sans lui, la comédie à l'italienne n'aurait jamais eu le lustre qui a été le sien vingt années
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Nino Manfredi a obtenu plusieurs prix dont six David di Donatello, six Rubans d'argent et le prix de la Première Œuvre au Festival de Cannes pour "Miracle à l'italienne" en 1971. En 1990, il est dirigé à nouveau par le réalisateur Luigi Magni dans "Au nom du peuple souverain" (In nome del popolo sovrano) aux côtés de Jacques Perrin dont l'action se déroule à Rome et en Romagne en 1848-1849, pendant la première guerre d'indépendance italienne. Très actif à la radio et à la télévision, il est souvent l'invité d'honneur d'émissions en tous genres. A partir de 1990, Nino Manfredi interprète des rôles pour la télévision italienne. Son dernier film "La luz prodigiosa" ( 2003) réalisé par Miguel Hermoso diffusé dans les salles de cinéma, après le décès du comédien. Le 7 juillet 2003, il est victime d'un accident vasculaire cérébrale, son état de santé s'améliore mais il conserve des séquelles préjudiciables. L'année suivante, Nino Manfredi décède le 4 juin 2004 à l'âge de 83 ans à Rome.
*Affiches-ciné * Cinetom
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