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10 octobre 2020

MARCELLE CHANTAL ET SES AMBITIONS

             MARCELLE CHANTAL         1898 - 1960

        Actrice Française

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Tout dans sa personne -et jusqu'à son prénom - la ramène à une époque lointaine où l'on célébrait la femme-élégante, sautoir d'ambre au cou, fume-cigarettes aux lèvres. Belle madame qui évoluait sur fond de coussins, de brûle-parfums, d'abat-jour de satin tamisant les trop vives clartés. On se préparait à quitter les hardiesses de l'Art Déco. Le temps des surfaces froides, des structures d'acier, des étagères en glace ne va plus tarder. Marcelle Jefferson-Cohn peut devant sa coiffeuse interroger son visage aux traits purs et fixer ses yeux qu'une mélancolie voilée rend encore plus troublants.  

De son vrai nom Marcelle Jenny Chantal-Pannier, est née le 9 février 1898 à Paris, quoique certains documents mentionnent 1901. Fille de la haute bourgeoisie - son père était banquier, elle épouse un richissime Anglais, Jefferson-Cohn, en 1920, et, poussée par son mari, fait ses débuts au cinéma la même année sous le nom de Marcelle Jefferson-Cohn en jouant dans un film de Marcel L'Herbier "Le Carnaval des vérités" EN. Mais elle ne tournera son deuxième film que neuf ans plus tard. Entre-temps; comme elle avait étudié la danse et le chant au Conservatoire, elle entre à l'Opéra de Paris et chante "Thaïs", puis "Manon" à l'Opéra-comique. 

On lui envie un riche époux à satisfaire tous ses caprices, tous ses désirs. Mondaine jusqu'au bout des ongles, elle souhaite s'évader des salons et conquérir d'autres espaces en cultivant le chant sérieusement. Comme indiqué ci-dessus, sous le nom de son époux, elle finit par débuter à l'Opéra-comique dans "La Vie de bohème". Son succès définitif, elle l'obtient deux ans plus tard, au Palais Garnier, en reprenant "Thaïs". La richesse de ses parures, son port altier, ses adjurations au miroir : "Dis-moi que je suis belle et que je serais belle...éternelement!" la consacrent belle artiste, bonne cantatrice et laissent dans le souvenir l'image ravissante de la courtisane frappée par la grâce.

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A l'instar de Françoise Rosay, elle ne s'attarde guère sur la scène de l'Opéra : elle a fait ses preuves. Cependant attentive à l'évolution des spectacles, elle en observe les bouleversements. Déjà l'Amérique chante sur les écrans. L'Angleterre l'écoute, la France réfléchit. En 1929 deux cinéastes parisiens décident de jouer leurs atouts. Un sujet d'envergure : la fin d'un règne ébranlé par de sourds grondements excite leur passion d'antiquaires, leur don d'évocation, leur finesse un peu grêle de reconstitution, "Les Colliers de la reine" est un beau titre. Le scandale qui s'y rattache sera tourné en "sonore" pour les scènes pathétiques. Gaston Ravel et Tony Lekain ont été sensibles au charme capiteux de Thaïs. Ils proprosent le rôle de l'intrigante comtesse de La Motte à Marcelle Jefferson-Cohn. Elle accepte et c'est l'unique fois où elle apparaît au générique sous son vrai nom. Elle va bientôt imposer celui de Marcelle Chantal. "Le Collier de la reine" est un film hybride qui clopine entre l'emphase du muet et le brillant réalisme des effets sonores. La vedette tire adroitement son épingle du jeu. Les robes souples, les chapeaux enrubannés et légers, les boucles à l'anglaise avivent sa beauté. Elle soupire la romance soutenue par le clavecin. Enjouée mais précise, elle croise les fils de l'intrigue où s'emberlificote le cardinal de Rohan. La fin du film révèle tout à coup une créature hurlante, écumante, pantelante qui se tord sous la marque du fer rouge. Le public abasourdi comprend que le cinéma muet appartient dès lors au royaumes des ombres. Marcelle Chantal gagne la partie. 

Rien n'est pourtant acquis. Le nom de la comédienne va continuer de briller aux frontons des palaces à la façon des pâles rayons émanant des étoiles éteintes. Marcelle Chantal signe d'abord un confortable contrat avec la Paramount qui, pour régner sur l'Europe, s'est installée au bord de la Seine. Dans la confusion des langues, les metteurs en scène de tous les horizons adaptent tant bien que mal des sujets écrits pour les Américains et joués par des troupes recrutées un peu partout.

Prise dans l'engrenage français, la sensible interprète passe avec vélocité du "Secret du docteur" (1930) de Charles de Rochefort à "Toute sa vie" (1930) d'Alberto Cavalcanti, du "Réquisitoire" (1931) de Dimitri Buchowetzky aux "Vacances du diable" (1931) de Cavalcanti, soucieuse de ne pas s'ésouffler. On ne peut aujourd'hui que rêver sur ces films disparus. Si l'on se reporte aux critiques, Marcel Chantal, victime des scénarios comptait surtout sur sa beauté.

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Un autre piège va se refermer sur elle. L'époque célèbre les mythes de la femme fatale et de l'aventurière. Les romans de Pierre Benoit et de Maurice Dekobra s'empilent chez les libraires ou aux bibliothèques de gare. Maurice Tourneur choisit Marcelle Chantal pour incarner la belle trafiquante de "Au nom de la loi" (1931), Tourjansky dans "L'Ordonnance" (1933)  en fait une superbe pécheresse  victime de ses amours et Fedor Ozep dans "Amok" (1934) dissimule son regard derrière la voilette qui la désigne comme celle qui a fauté et qui en meurt. Tantôt victime, tantôt dominatrice, elle est inscrite au catalogue des dames à la voix brève, au regard lourd : celles qui étalent dans les halls des hôtels robes pailletées, renards argentés, écharpes diaprées comme autant de miroirs aux alouettes. Marcelle Chantal a du goût pour les situations critiques : elle joue avec cette grâce qui s'épanouit dans la comédie. Elle séduit ainsi Jules Berry dans "Baccara" (1935) d'Yves Mirande et Léonide Moguy, conclusion boulevardière de l'affaire Stavisky. L'année suivante la transporte dans la Venise de Dekobra devenue, comme "Salonique, nid d'espions", "La Gondole aux chimères" (1936) de Augusto Genina. Elle traîne son désarroi d'amoureuse meurtrie dans les ruines de la Grande Guerre dans "L'île des veuves" (1936) de Claude Heymann. Les drames maritimes ont la cote. Blessée par son passé, elle prouve sa fidélité à l'époux lors de l'agonie d'un sous-marin dans "Nitchevo" (1936) de Jacques de Baroncelli avec Harry Baur. Radieuse, puis troublée, elle devient dans "La Porte du large" (1936) de Marcel L'Herbier, l'enjeu de la rivalité entre un père commandant de navire, et son fils, fougueux aspirant.

Cette galerie de portraits pâlichons à raison de sa vitalité. Devenue une sorte de cariatide, elle enchante L'Herbier qui la compare à la lumineuse Nathalie Paley, cousine germaine du dernier tsar. Il la sacre impératrice de toutes les Russies dans "La Tragédie impériale". Elle transforme la tsarine névrotique en rêveuse angoissée qui ne voit pas sombrer son empire, face à un Raspoutine incarné par Harry Baur.

Sous la direction de Pierre Chenal, elle ne livre pas le secret de "L'Affaire Lafarge" (1937). A-t'elle versé le poison à son rustre de mari? A-t'elle été la victime d'un environnement sordide?. Avec délicatesse, elle pose l'énigme sans la résoudre. Elle apparaît encore, juste avant la guerre, dans le dernier film de G.W. Pabst, "Jeunes filles en détresse" (1939). Médecin, victime de complications sentimentales, elle manipule avec autorité un "poumon d'acier alors dans toute sa nouveauté : froide comme lui et toujours impeccable. Madame Colette a montré l'intérêt pour celle qui avait personnifié l'héroïne d'un de ses romans : Renée Néré, "La Vagabonde" (1932) de Solange Bussi. L'applaudissement au théâtre dans la pièce Pranzini où elle joue Régine de Montille, dame de petite vertu trucidée par le fameux assassin, elle s'écrie : "Que vous-êtes jolie, Marcelle Chantal, et émue." Elle la retrouve après la guerre, après quatre années de Suisse et de tournées fatigantes, affrontant Edwige Feuillère avec un certain panache "Julie de Carneilhan" (1949) de Jacques Manuel et lui accorde l'autorisation de tourner "Chéri" (1950) de Pierre Billon.  Entre-temps, elle avait tourné sous la direction de Robert Vernay dans "Fantômas contre Fantômas" (1949), où elle apparaît à nouveau en aristocrate. Marcelle Chantal fait ses adieux au cinéma dans ce rôle de Léa pour lequel Colette la trouvait trop jeune. Elle idéalise son personnage de demi-mondaine sur le retour qui veut défendre son dernier amour. Une fois de plus la mélancolie envahit ses beaux yeux. Dix ans plus tard, elle s'éteint le 11 mars 1960 à Paris qui l'a depuis longtemps oubliée. 

 

*Extraits de Noir&Blanc - Olivier Barrot et Raymond Chirat Editions Flammarion     

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*Affiches-cine * Cinetom

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