VICTOR FLEMING, DE GABLE A SPENCER TRACY

10 janvier 2019

VICTOR FLEMING, DE GABLE A SPENCER TRACY

VICTOR FLEMING 1883 - 1949

Cinéaste Américain

Selon le cinéaste américain Allan Dwan, la carrière de Victor Fleming débute par leur rencontre : "Je cherchais un bon mécanicien pour réparer ma voiture." raconte Dwan, "On me présente Victor. Je remarque tout un équipement de photographe au fond de son garage. Je lui demande s'il aimerait être caméraman. Cela l'intéresse. Il se joint à nous. Très rapidement, il deviendra un excellent opérateur, et, par la suite, un réalisateur de la même veine." Il est un fait qu'ils seront les meilleurs amis du monde.

Victor Fleming est né le 23 février 1883 à Pasadena, en Californie. Des études secondaires à Los Angeles, quelques années au volant de voitures de course et enfin, en 1910, l'entrée dans l'industrie cinématographique par la petite porte, comme indiqué ci-dessus : assistant cameraman. Il débuta donc sous la direction d'Allan Dwan grâce auquel il fit la connaissance de Douglas Fairbanks, qui deviendra son ami. Victor Fleming est à partir de 1915, directeur de la photographie à la Compagnie Triangle où il signe l'image de nombreux films de D.W. Griffith.

Avec le réalisateur John Emerson et la scénariste Anita Loos, ils forment une équipe très soudée et tournent ensemble divers films avec Douglas Fairbanks entre 1916 et 1917. Pendant la Première Guerre mondiale, Fleming est caméraman dans l'US Army Signal Corps. Il est choisi par le président Wilson pour "couvrir" le traité de Versailles. Quand il rentre à Hollywood, son ami Douglas Fairbanks vient de fonder avec d'autres acteurs (Chaplin, Mary Pickford) et cinéaste (D.W. Griffith) United Artists. Le réalisateur signe la photographie de leur première production "His Majesty, The American" (1919), puis passe à la réalisation pour les deux films suivants.

En 1922, Paramount l'engage. Il va travailler pour cette société de production pendant huit années, tournant principalement des westerns et autres films d'action. En 1926, il signe notamment "Mantrap" avec Clara Bow. Cette actrice, qui vit alors une grande histoire d'amour avec le réalisateur, est en passe de devenir une des stars de la Paramount. Elle tient ici le rôle d'une jeune citadine égarée dans une contrée perdue du Canada. Le tournage en extérieurs permet au directeur de la photographie James Wong Howe de se surpasser. Fleming et Howe, qui s'entendent bien, vont travailler ensemble sur plusieurs films.

En 1927, le metteur en scène se fait remarquer par la profession en signant "Quand la chair succombe" (The Way Of All Flesh), avec le grand acteur allemand Emil Jannings, ici dans son premier film américain. Nominations aux Oscars du Meilleur Film et du Meilleur Acteur. On remarque cependant une certaine similitude entre le rôle de Jannings ici et celui qui vient de tenir dans "Le Dernier des hommes", film allemand à succès. Deux ans plus tard, Fleming achève son contrat pour la Paramount en beauté : "The Virginian" (1929), premier film "entièrement parlant", avec Gary Cooper, triomphe sur les écrans, faisant de "Coop" la grande vedette de la compagnie de production.

C'est au début de l'année 1932 que Fleming entre à la MGM. Son second film de cette période, "La Belle de Saïgon" (Red Dust) fait recette et confirme le talent du cinéaste à camper des personnages hauts en couleur dans des intrigues riches en rebondissements et des décors exotiques et maritimes. Dès lors, la MGM le place en tête de son écurie. Fleming va rester treize années dans cette "major company", c'est-à-dire pratiquement jusqu'à la fin de sa carrière. Il va cependant sélectionner ses tournages avec soin, ne réalisant qu'un film par an, avec ses acteurs préférés : Clark Gable, Spencer Tracy et Jean Harlow. "La Belle de Saïgon" a réuni pour la première fois Harlow-la-fille-des-rues-pleine-d'humour et Gable-le-dur-au-coeur-tendre. Sur le backlot de la MGM, on a construit les décors d'une plantation de caoutchouc indochinoise : le directeur de la photographie Hal Rosson saura en restituer "l'atmosphère". Dans les années 30, il deviendra le chef-opérateur attitré du réalisateur. Il sera -pendant peu de temps, il est vrai - le mari de Jean Harlow. Le film, d'après une pièce de théâtre peu connue, sera loin d'être parfait, mais il arrivera à point nommé pour propulser ses deux comédiens principaux au rang de stars.

Par la suite, Fleming dirigera Harlow et Gable séparément dans plusieurs films. Pour l'actrice, ce seront deux comédies : "Bombshell" (1933), féroce satire du vedettariat à Hollwyood, et "Imprudente jeunesse" (Reckless,1935), la seule comédie musicale de Jean Harlow, qui d'ailleurs tourne au drame lors de la seconde partie du film. Fleming réalisera quatre autres films avec Gable, qui deviendra son ami intime.

En 1934, "L'île au trésor" (Treasure Island) est un projet de la MGM idéal pour le réalisateur : c'est un film d'aventures d'une part, il y a matière pour un "directeur d'acteurs" d'autre part. Wallace Beery excellera dans le rôle de Long John Silver. L'année suivante, exceptionnellement, Fleming est "prêté" à la Fox, pour "La Jolie batelière" (The Farmer Takes A Wife,1935), qui marqua les débuts à l'écran de Henry Fonda. Bien plus tard, dans son autobiographie, intitulée "Fonda, My Life", l'acteur exprimera sa gratitude envers le réalisateur; il expliquera que ce dernier lui a appris à nuancer son jeu par rapport à celui qu'il adoptait sur scène, Fonda ayant précisément tenu ce rôle au théâtre.

En 1936, Fleming tourne le premier de ses cinq films avec Spencer Tracyy, "Capitaines courageux" (Captains Courageous). Cette adaptation de l'oeuvre de Kipling est un triomphe dans les salles. Le réalisateur parvient à rendre l'esprit du livre, tout en élaguant considérablement le côté larmoyant de l'histoire. La performance de l'acteur, dans le rôle du pêcheur portugais Manuel, lui vaut son premier Oscar. Si le film est également nominé, on oublie toujours Fleming pour le palmarès.

En 1938, le cinéaste réunit sur le même plateau Tracy, Gable et Myrna Loy pour "Pilote d'essai" (Test Pilot). C'est une comédie, comme son titre ne l'indique pas. Elle manque un peu de rythme, mais ses séquences aériennes et une bonne dose d'humour loufoque en font un film très "efficace". Troisième nomination à l'Oscar du Meilleur Film, mais l'essai n'est toujours pas transformé! En octobre de la même année, la MGM lui annonce que, finalement, c'est lui, et non Richard Thorpe ou George Cukor, qui va réaliser "Le Magicien d'Oz" (The Wizard Of Oz). C'est un cadeau empoisonné !

Cette super-production soulève des questions techniques a priori sans réponse. Ce n'est que le second film de la MGM en technicolor (en partie) et l'on s'aperçoit qu'il va falloir plusieurs caméras spéciales, des éclairages hors du commun, etc. D'autre part, les décors nécessitent un soin tout particulier; il s'agit de représenter Oz comme un monde de rêve. Fleming n'a jamais rien fait de semblable auparavant. Il va pourtant se lancer dans l'opération avec opiniâtreté : tout ce qu'ont déjà tourné ses prédécesseurs est mis au rancart. En collaborant étroitement avec le chef-opérateur Hal Rosson, il fera "bouger" le film, n'hésitant pas à utiliser des grues pour que la caméra explore littéralement le plateau représentant Munchkinland, par exemple. On lui doit également le parfait ensemble, l'harmonie qui règne entre la musique, les effets visuels et les dialogues.

Le succès remporté par le film dès sa sortie fait de Judy Garland une star, et de Fleming un "chef d'orchestre" parfait; on comprend qu'il n'est pas seulement un technicien, mais un superviseur très efficace. C'est pourquoi, à peine la photographie principale terminée, il est envoyé sur une autre "mission" sur l'ordre du producteur David O' Selznick : la réalisation de "Autant en emporte le vent" (Gone With The Wind,1939). C'est grâce au succès du "Magicien d'Oz" que Victor Fleming obtiendra de terminer le très célèbre "Autant en emporte le vent". Une fois encore; il remplace le cinéaste George Cukor en catastrophe ! Cette fois, il a tous les atouts en main, maîtrisant parfaitement à présent le technicolor. Sans le savoir, il va néanmoins bénéficier des conseils de Cukor, indirectement; en secret, Vivien Leigh continuera de travailler son rôle avec "son" réalisateur. C'est une pluie d'Oscars qui récompense Victor Fleming, Vivien Leigh, le film..seul Gable doit se contenter d'une nomination! On dira que la responsabilité qu'il porte dans le départ de Cukor pourrait bien en être la cause....

Fleming tourne trois autres films avec Spencer Tracy, "Tortilla Flat" (1942) est certainement le plus intéressant, tiré d'après le roman de John Steinbeck avec John Garfield et Hedy Lamarr. Il y eut aussi le remake "Dr Jekyll et Mr Hyde" (Dr Jekyll And Mr Hyde,1941) sera considéré comme moins bon que le film précèdent avec Fredric March. C'était l'acteur Robert Donat qui était prévu pour le double rôle du Docteur Jekyll et de Mister Hyde. Mais la faute en incombe sûrement aux scénaristes. Il termine sa carrière cinématographique avec deux films "L'Aventure" (Adventure,1945) avec Clark Gable et "Jeanne d'Arc" (Joan Of Arc,1948) avec Ingrid Bergman,pour le compte de Walter Wanger et de la RKO fut un grave échec. On a même pu dire qu'il avait tué : Victor Fleming est mort le 6 janvier 1949, à Hollywood, quelques mois seulement après sa sortie.

Une Poule mouillée - 1920