PIERRE RICHARD-WILLM, UNE CARRIÈRE DE GRANDE NOTORIÉTÉ
PIERRE RICHARD-WILLM 1895 - 1983
Comédien Français
On a été très injuste avec Pierre Richard-Willm. Cet homme de coeur et de talent que sa popularité étonnait le premier, cet homme exigeant et fin, modeste, que la sculpture et le piano attirèrent autant que la scène, disparut à l'insu de tous le 12 avril 1983 à Paris 15ème, il est enterré dans le cimetière de Bussang dans les Vosges.
Discret comme il avait été tout au long de sa longue vie, il ne léguait de souvenirs qu'aux moins oublieux de ses contemporains, tant il avait tenu, à la suite de son retrait du spectacle peu après la guerre, à laisser s'effacer la trace de sa mémoire. Pierre Richard-Willm est né le 3 novembre 1895 à Bayonne, fils d'ingénieur choyé. Pierre Richard-Willm perd sa mère enfant : Willm était son nom de jeune fille, que le fils ajouta au sien lorsqu'il devint acteur, élevé par sa grand-mère maternelle. Entre 1913-1914, on le vit fréquenter l'Ecole des Beaux-Arts de Nantes.
Mais d'abord il fit la guerre, puis de la sculpture son métier, après avoir en amateur débuté au théâtre du Peuple de Maurice Pottecher, à Bussang en 1911. Homme de fidélité, Pierre Richard-Willm y reviendra tous les ans comme interprète, metteur en scène, décorateur ou créateur de costumes jusqu'en 1970. Sans l'avoir vraiment voulu ni avoir jamais appris l'art dramatique, le voilà en 1925 partenaire de la grande Isa Rubinstein dans "La Dame aux Camélias" en gala à la Comédie-Française puis en tournée. Il est un Armand Duval parfait, et ce rôle qu'il devait reprendre plusieurs fois aux côtés d'Edwige Feuillère, marque une fois pour toutes son emploi.
Ce début n'était rien. Avec Ida Rubinstein, il joue la même année "Le Martyre de saint Sébastien de Gabriele d'Annunzio à la Scala de Milan : la musique de Debussy est dirigée par Arturo Toscanini. Engagé à l'Odéon dès son retour de Paris par le grand Firmin Gémier, il y demeure jusqu'en 1929 et y interprète deux bonnes douzaines de pièces au sein d'une troupe qui compte également Raimu, Charpin, Louis Seigner, Annie Ducaux et bien d'autres. Il y conçoit à l'occasion décors et costumes, en compagnie d'un autre jeune comédien de la troupe décorateurs à ses heures, Claude Dauphin.
Le regard clair, la chevelure blonde ondulée, les traits fortement dessinés marqués par un nez d'aigle, Pierre Richard-Willm possédait une prestance impérieuse, impériale même qui lui fit plus qu'à son tour revêtir l'uniforme galonné ou les atours romantiques qu'il portait avec une élégance si naturelle qu'on éprouva quelque mal à l'accepter autrement. Après 1945, on trouva plaisant de le croire démodé, lui qui avait subi sa propre vogue plutôt qu'il ne l'avait provoquée. On se mit à sourire de son jeu qu'on décréta très "Odéon", on oublia que Louis Jouvet lui avait proposé de rejoindre sa troupe et que c'était à lui que Jean Renoir, autre "moderne" indiscuté, avait d'abord offert le rôle de Boïeldieu dans "La Grande Illusion". On fit de Pierre Richard-Willm l'archétype du héros délaissé.
Malgré une retenue qui le faisait s'effacer devant Pierre Fresnay ou Pierre Blanchar, malgré de fortes préventions personnelles, il était inévitable que le cinéma convoque un jour Pierre Richard-Willm : "J'ai dit mon horreur enfantine de la machine, du moteur, de toutes les mécaniques, et aussi mon fol amour du théâtre, confie-t'il dans son livre. Comment donc aurais-je pu m'enticher d'un art qui, né dans une manière d'usine, parmi la ferraille et le bruit puis découpé en mille morceaux et recollé de même, s'en vient, inexorablement pareil à lui-même, s'aplatir chaque soir sur un drap blanc devant un public à jamais privé de la présence humaine de ses héros, de la vraie vie, de cette chaleur des paumes qui disent leur joie ?"
Et pourtant Pierre Richard-Willm au cinéma connaît un succès qui, à sa grande surprise, fait de lui selon l'hebdomadaire "Pour vous" l'acteur le plus populaire de 1935. Les clubs de Willmettes" fleurissent. Appelé en 1930 par le réalisateur Alberto Cavalcanti et la comédienne Marcelle Chantal dans les studios de la Paramount française à Joinville, il tourne deux films avec eux. Mais on le remarque davantage dans les versions françaises que Pierre Billon adapte de films germano-tchèques réalisés par Carl Lamac pour la blonde Anny Ondra, "le petit clown tchèque qui avec son réalisateur et son opérateur formait un trio inséparable, aux trouvailles irrésistibles quoique du meilleur goût" : "Kiki" (1932), "Baby" (1932), "La Fille du régiment" (1933). Cependant c'est Marcel L'herbier, grand découvreur d'interprètes, qui le lance en 1933 dans ce genre sérieux, bourgeois qu'il a toujours affectionné : avec "L'Epervier", d'après une pièce Francis de Croisset, Pierre Richard-Willm rejoint Charles Boyer et Victor Francen parmi les acteurs favoris du metteur en scène, avec qui il tourne trois films, "La Route impériale" (1935), "La Tragédie impériale" (1937) et "Entente cordiale" (1938) : l'empire et la royauté sons décidément de son registre.
"Le Grand Jeu" de Jacques Feyder en 1933 fait de Pierre Richard-Willm une star véritable, un vrai premier rôle. Cet avocat devenu légionnaire draine la mythologie désespérée mais virile de l'exil et du déclassement. Héros déchu, l'acteur y fixe sa destinée cinématographique, vouée au trépas. Certes, il filtre quelque emphase dans son interprétation, mais s'il ne fait pas montre de la sobriété prolétaire de Gabin, il figure très dignement la déchéance de sa classe. "Le Grand Jeu" obtint un succès immédiat et durable. Le public y retrouva le romantisme de la légion et l'atmosphère des chansons de la môme Piaf. Pierre Billon est alors son metteur en scène de prédilection. "L'Argent" (1936) n'a pas les qualités d'innovation de l'original de L'Herbier, mais constitue un "bon" film, bien joué, bien mis en scène. "Courrier Sud" (1936) de Pierre Billon, "Anne-Marie" (1935) de Raymond Bernard font revêtir à l'acteur la tenue seyante d'aviateur, qu'il change en uniforme d'officier tsariste pour "Les Nuits moscovites" (1934) de Granowsky, "Au service du tsar" (1936) de Pierre Billon, "La Tragédie impériale", "Yoshiwara" (1937) de Max Ophuls, "Tarakanowa" (1938) de Fedor Ozep ou d'officier hongrois pour "Stradivarius" (1935) de Geza von Bolvary.
L'acteur fait preuve d'un réel discernement : "Des meneurs de jeu qui voulurent bien me confier des rôles, je ne saurais dire que du bien puisque je ne répondais à leurs propositions qu'en connaissance de cause." Deux fois interprète d'Ophuls dont il se fit un ami, il fut un remarquable "Werther" en 1938 bien qu'il fut plus âgé que son personnage. Son interprétation véritablement musicale a fixé le rôle. "Carnet de bal" (1937) de Duvivier, "La Loi du Nord" (1939) de Jacques Feyder illustrent sa puissance physique. Et Pierre Richard-Willm a beaucoup de chance avec ses partenaires féminines, beaucoup de clairvoyance aussi quand il choisit ses rôles aux côtés de Pola Negri dans "Fanatisme" (1933) de Ravel et Lekain, de la mystérieuse et magnifique Nathalie Paley dans "L'Epervier" et "Le Prince Jean" (1934) de Jean de Marguenat, d'Annabella dans "Autour d'une enquête" (1931) de Robert Siodmak, "Les Nuits moscovites" et "Anne-Marie", de l'éphémère Annie Vernay dans "Tarakanowa" et "Werther", deux des six seuls films de Jany Holt pour "Courrier du Sud" et "La Fiancée des ténèbres" (1944) de Poligny, d'Edwige Feuillère enfin avec qui il forma un couple à l'écran des plus harmonieux, un peu distant, dès "La Dame de Malacca" (1937) de Marc Allégret, "La Duchesse de Langeais" (1941) de Jacques de Baroncelli et au théâtre dans "La Dame aux camélias" au cours de centaines de représentations.
Les livres de mémoire d'acteurs sont le plus souvent décevants. Ceux de Pierre Richard-Willm et d'Edwige Feuillère (Les Feux de la mémoire, Albin Michel,1977) deux comédiens souvent accusés de froideur, constituent deux exceptions par leur qualité de plume et d'émotion intacte. La comédienne a parfaitement su exposer leur ressemblance : "Willm, plus âgé que moi, me protégeait, me conseillait. Son expérience professionnelle, sa sagesse me furent très bénéfiques. Partout où nous allions, à travers les cloisons, j'entendais son piano, la tristesse de Chopin, la mélancolie de Schumann. Nous avions beaucoup de choses en commun, le goût de la nature, de la musique, de la danse, des musées, de la lecture. Une réserve aussi, faite de timidité et de rigueur. Et surtout la peur, la hantise de la guerre...!" Et Pierre Richard-Willm de poursuivre : "La lente fermentation du nazisme dont j'avais pu depuis dix ans constater de visu au cours de films tournés en Allemagne la monstrueuse hystérie et l'épimédie grandissante, n'avait cesser de me hanter.
En 1949, Pierre Richard-Willm met un terme à une carrière de grande notoriété, il vient de reprendre pour la troisième fois "Rêves d'amour" de René Fauchois avec Annie Ducaux, dont Christian Stengel avait établi en 1946 une version cinématographique. Les Amours de Liszt et de Marie d'Agoult ont cessé de l'amuser et il se lasse des rôles de compositeur, comme dans "La Fiancée des ténébres" dont le mystère et le charme reposent davantage sur le rôle de Jany Holt que sur le sien, ou comme dans "Le Beau voyage" (1946) de Louis Cuny, bien obscur mélo. Que ne lui a-t'on proposé de retrouver la cape et l'épée de l'excellent "Comte de Monte-Cristo" (1942) de Robert Vernay, où il ferraillait avec allégresse ? le temps, depuis, Pierre Richard-Willm l'a consacré à Bussang.
Quels regrets sont au fond de moi que nos rencontres de jeunesse n'aient pu, faute de circonstances favorables, se muer ou la grande amitié dont elles portaient le germe. Sympathie profonde, estime total en sens commun de la dignité d'une profession, et tant d'autres liens naturels. Et la vie passe. Et en définitive, presque tous les hommes sont des solitaires" lui écrivit Pierre Fresnay peu avant de disparaître. Les lecteurs de "Loin des étoiles", son beau livre de "souvenirs et dessins" paru chez Belfond en 1976, ont pu mesurer que la qualité de l'homme excédait celle de l'artiste. Oeuvre à la fois pudique et sensible où il sait rendre hommage à un Duvivier, à un Ophuls, à un Feyder qui l'employèrent au mieux. Discret comme il l'avait été tout au long de sa longue vie, il ne léguait de souvenirs qu'aux moins oublieux de ses contemporains, tant il avait tenu, à la suite de son retrait du spectacle peu après la guerre, à laisser s'effacer la trace de sa mémoire.
Extraits *Noir et Blanc Olivier Barrot & Raymond Chirat Editions Flammarion
Le Grand Jeu ( 1934 - extrait )
Le roman de Werther (1938), Max Ophüls
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