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6 mai 2018

ERICH von STROHEIM, LE GÉNIE MAUDIT

         ERICH von STROHEIM          1985 - 1957 

     Acteur, Cinéaste Américain d'origine Autrichienne

 

  

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Cinéaste maudit, car cruel visionnaire, Erich von Stroheim a terriblement souffert. Ses films, mutilés ou inachevés, ne sont en effet que les fragments de l'oeuvre dont il avait rêvé, fresque grandiose, funèbre et narcissique d'une civilisation livrée avec délectation à ses plus pervers instincts d'autodestruction.

"Sa noblesse, comme son passé, si elle fut imaginée par lui, est pour nous plus véritable que s'il la tenait de quelque parchemin. Ce qu'il a été lui-même est bien moins réel que ce qu'il a crée. " (René Clair). Stroheim n'a appris bien des choses. Le plus important de ces enseignements est peut-être que la réalité n'a de valeur que lorsqu'elle est transposée (...). Plus tard j'ai eu l'honneur d'avoir Stroheim comme interprète de mon film "La Grande Illusion" (1937). Il fit tout pour me faire oublier qu'il était un des prophètes de notre métier." (Jean Renoir).

Pourtant la colossale stature de Stroheim metteur en scène n'est à l'évidence pas l'objet de ce livre. Comme Chaplin, il avait d'abord été acteur. Les vicissitudes d'une carri

ère de créateur tronquée par Hollywood lui firent regagner cette Europe qu'il avait quittée à vingt-ans, et adopter la France, qui sut mesurer un tel honneur. Stroheim y résida entouré de vraie ferveur pendant une vingtaine d'années, à l'exception de la période de l'Occupation. Il y a connu une très honorable déstinée de comédien, celle-là même qui justifie sa présence au rang des "inoubliables". Confondant à dessein sa propre légende et la plus marquante de ses créations d'acteur, le Rauffenstein de "La Grande Illusion", il finit presque par ne plus être à l'écran que  lui-même. 

"Erich Hans Carl Oswald Maria Stroheim von Nordenwald", ainsi déclinait-il son identité, était né à Vienne le 22 septembre 1885. Non pas fils d'officier, mais plus simplement et plus valeureusement, de commerçants juifs : il s'appelait en réalité Erich von Stroheim. Une enfance dans cette Vienne 1900 mythique, celle de Schnitzer, de Freud, de Mahler, de Klimt, de Hoffmanstahl. Émigré aux États-Unis où il fait tous les métiers, il finit par rencontrer David Wark Griffith, dont il devient l'assistant. La suite, légendaire, de son parcours de metteur en scène, de "Maris aveugles" (Blind Husbands,1919) à "Walking down Broadway" (1933), est connue.

Après débuté sa carrière de cinéaste en tournat "Maris aveugles"  ou "La Loi des montages", il tourna son deuxième film "Folies de Femmes" (Foolish Wives,1921). Le tournage du film dura onze mois et son coût de production fut élevé, un million de dollars, à en croire la publicité de l'époque. On prétend que Stroheim exigea, dans sa reconstitution minutieuse du grand hôtel de Monte-Carlo, un luxe de détails tels que sonneries et ascenseurs en état de marche, fenêtres vitrées, etc. La version intégrale durait trois heures. Elle fut réduite d'un tier. On coupa les scènes jugées trop "osées"... Il n'en remporta pas moins un grand succès et fut salué, en France notamment, comme un chef d'oeuvre. Son influence est sensible sur des films tels que "Nana" (1926) de Jean Renoir ou "L'âge d'or" (1930) de Luis Bunuel.

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"Les Rapaces" (Greed,1925) sont célèbres dans l'histoire du cinéma par les exigences de son réalisateur. Stroheim commença par refuser de tourner certaines scènes en studio, ce qui était l'habitude de l'époque. Il chercha, pour représenter la maison du meurtre de Trina par Mc Teague, une maison où un meurtre avait réellement été commis pour donner aux acteurs une impression d'authenticité et ses assistants finirent rapidement par régler la circulation à San Francisco selon les ordres de leur metteur en scène dictatorial et à la grande fureur de la police locale. Stroheim exigea, en plus, pour tourner les scènes finales de la Vallée de la Mort, que toute l'équipe se rende sur place dans ce terrifiant paysage où les alternances de températures entre le jour et la nuit soumirent les acteurs et les techniciens à une véritable épreuve physique qui faillit d'ailleurs coûter la vie à l'acteur Jean Hersholt. En fin de compte, Stroheim fit un film qui durait six heures. Il réduisit les 42 bobines à 24 et refusa ensuite de toucher au film, demandant à son ami Rex Ingram d'y travailler à sa place. Ingram le ramena alors à 18 bobines. June Mathis qui lui succéda, le réduisit finalement à dix bobines et y ajouta de nouveaux titres, lui donnant ainsi un métrage exploitable dans les cinémas. 

"Mais c'est ridicule, ce qui a fait le succès de "La Veuve joyeuse" (The Merry Widow,1925) c'est sa musique et nous faisons des films muets" aurait répondu Stroheim à Irving  Thalberg lorsque celui-ci lui proposa, après l'échec des "Rapaces" d'adapter, comme il l'entendait, la célèbre opérette de F. Lehar. Stroheim prit de grandes libertés avec le livret original : en particulier il fit de Mirko, qu'il comptait interpréter lui-même, un fêtard impénitent, buveur et amateur de femmes légères. Mais il dût, sous la pression de Mae Murray et de Thalberg, Stroheim fut même remplacé quelques jours par le cinéaste Monte Blue, édulcorer et couper son script. Le film, dans lequel on peut découvrir, parmi les figurants, Clark Gable, rapporta beaucoup d'argent à la MGM et fut classé par les critiques américains parmi les dix meilleurs films de 1925.

"Queen Kelly" (1928) fut produit par Joseph Kennedy, le père du futur Président des Etats-Unis, et par Gloria Swanson qui avait personnellement choisi comme réalisateur Erich von Stroheim; "Queen Kelly" n'obtint l'autorisation préalable du Bureau Hays qui était charger de veiller sur la moralité de la production américaine qu'à la condition que plusieurs scènes litigieuses seraient modifiées au tournage. Erich von Stroheim accepta mais Gloria Swanson découvrit rapidement que Stroheim réintégrait dans le film toutes les scènes qu'il s'était engagé à couper. Beaucoup plus grave fût l'arrivée du parlant avec le "Chanteur de Jazz", et bouleversa toute  la production cinématographique en cours. J. Kennedy arrêta alors le tournage du film, pensant qu'un film muet n'avait plus aucune chance commerciale. De trente bobines (environ cinq heures de film !) initialement prévues, Stroheim n'avait pu en tourner que dix... 

Dans sa version originelle, "La Marche nuptiale" (The Wedding March,1928) était beaucoup trop long (11 heures de projection). Frank E. Hull le réduisit sous  la supervision de Stroheim, mais la Paramount exigea une nouvelle réduction et confia le montage à Josef von Sternberg. Finalement, le film fut coupé en deux parties, "La Marche nuptiale" et "Mariage de Prince", projeté séparément. 

Contraint de renoncer à la création pour n'être plus que le scénariste ou l'interprète des autres, Stroheim se résoud à accepter une proposition venue de France. Le 26 novembre 1936, il s'embarque, et vient s'installer à Paris. Son premier rôle ne pouvait qu'être celui d'un aristocratique officier allemand, dans "Marthe Richard au service de la France" (1937) de Raymond Bernard avec Edwige Feuillère qui se souvient (Les Feux de la mémoire,1976) : "Il nous arriva en conquérant, réclamant immédiatement une habilleuse personnelle et une infirmière. Il lui fallait une profusion de gants blancs impeccables que l'on changeait après chaque répétition. Il ne se déplaçait qu'entre deux assistants, l'un porteur de whisky, l'autre chargé du scénario." L'actrice découvrit au long du tournage ce que la morgue de Stroheim cachait de désarroi.

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Von Raufenstein, commandant de la forteresse où sont détenus Boieldieu-Fresnay, Maréchal Gabin et Rosenthal-Dalio est une composition si illustre qu'elle appartient au patrimoine de chacun. On dit que le sur le plateau de "La Grande Illusion" Jean Renoir écoutait avec une attention respectueuse les suggestions de son interprète. "Nous eûmes une seule discussion, racontait-il, ce qui est miraculeux si l'on songe au romantisme de Stroheim placé en face d'un certain réalisme qui était assez exactement ma tendance à cette époque. Ce fut à propos du nombre de décorations attribuées à son personnage.

Grâce à son succès personnel dans ces deux films, Stroheim ne se contente plus de l'uniforme, de la minerve et de petits verres d'alcool lestement avalés. Son accent étranger, plus américain qu'allemand, l'allure volontiers louche qu'il affectionne en font le "métèque" idéal en une époque où les menaces d'un conflit avec l'Allemagne se précisent. Il est l'étranger aux origines incertaines dans "Derrière la façade" (1938) de Yves Mirande et Georges Lacombe, excellent film aux relents xénophobles; dans "Pièges" (1939) de Robert Siodmak où il est un faux coupable pourtant bien tentant; dans "Tempête sur Paris" (1939) de Bernard Deschamps où grimé en Noir il défie toutes les polices. L'identification de Stroheim à ses personnages est telle que la guerre venue, on fut obligé de retourner les scènes où il figurait dans "Macao l'enfer du jeu" (1939) de Jean Delannoy et dans "Paris-New York" (1940) d'Yves Mirande et Claude Heymann, en le remplaçant par Pierre Renoir et Maurice Escande.

Pierre Chenal et Christian-Jaque surent faire évoluer l'acteur. Le premier comptait moins sur ses mines interlopes que sa grande classe pour "L'Alibi" (1937), et en faisait un fermier du XIXe dans "L'Affaire Lafarge" 1937). Le réalisateur fut particulièrement satisfait des prestations d'Erich von Stroheim, louche régisseur alsacien, cheveux blondis et légèrement bouclés, et de Pierre Renoir, odieux Lafarge...Le film s'inspirait d'un fait divers dont l'héroïne, annonçait "Madame Bovary". Quant à Christian-Jaque, s'amusant à la maquiller en chinois pour "Les Pirates du rail", mais avait surtout l'intelligence de lui faire jouer le rôle profondément humain de Walter, le professeur d'anglais des "Disparus de Saint-Agil" (1938). Ce fut là, avec Rauffenstein, son meilleur rôle en France. Cet homme bourru et secret, en fait profondément attaché aux enfants qu'il enseigne et qui a vraiment trop l'air coupable, les enfants seuls en discernent la tendresse et la complicité. La perfection de la mise en scène, la dimension poétique d'un univers authentiquement et mystérieusement enfantin, l'excellence de l'interprétation que domine un Stroheim débarassé de tous ces tics, auraient dû depuis longtemps faire reconnaître à Christian-Jaque la qualité d'auteur.

La France était bien la troisième patrie de Stroheim. Après cinq ans à Hollywood pendant la guerre, où il avait notamment tourné avec John Cromwell : "Ainsi finit notre nuit" (So Ends Ours Night,1941) avec Fredric March, Billy Wilder : "Boulevard du Crépuscule" (Sunset Boulevard,1950) aux côtés de William Holden et Gloria Swanson; Lewis Milestone : "L'étoile du Nord" (The North Star,1943) avec Anne Baxter et Dana Andrews; et Anthony Mann : "La Cible vivante" ou "Le Grand Flamarion"  (The Great Flamarion,1945). On le retrouve à Paris dans plusieurs mauvais films et quelques bonnes surprises.; Dans "On ne meurt pas comme ça" (1946) de Jean Boyer, alerte film policier situé dans un studio de cinéma, il joue virtuellement son propre rôle. "La Danse de mort" (1946) de Marcel Cravenne, dont il écrit l'adaptation d'après Strindberg, porte sa marque, qu'il imprima aux acteurs et à l'intrigue, accentuant son profond sadisme, "La Foire aux chimères" (1946), d'abord intitulé "Illusions" marqua le retour du cinéaste Pierre Chenal qui s'était exilé en Argentine en 1940. Avant-guerre, Stroheim avait été dirigé par Chenal (comme indiqué ci-dessus) dans "L'Alibi", "L'affaire Lafarge". Comme dans "Menaces" (1940) de Edmond T. Gréville, il souffre d'une disgrâce physique. "Portrait d'un assassin" (1949) de Bernard-Roland, film noir posé par Spaak, Chalais et Decoin dans les milieux du cirque, témoignait d'un pessimisme très accordé à Stroheim.

Installé en France depuis 1936, Stroheim avait quitté le pays à la déclaration de guerre afin de poursuivre sa carrière de comédien à Hollywood. "La Cible vivante" fut l'avant-dernier des neufs films qu'il tourna aux Etats-Unis de 1940 0 1946, le dernier étant "Le Masque de Dijon" (The Mask of Dijon,1945) de Lew Landers; il ne devait plus y revenir qu'une seule fois pour le célèbre "Boulevard du Crépuscule" (Sunset Boulevard,1950) de Billy Wilder avec Gloria Swanson et William Holden. Le cinéaste Américain Anthony Mann déclara : "En fait, je garde un très mauvais souvenir d'Erich von Stroheim : col de manteau relevé, monocle et crâne rasé, il avait certes crée un personnage, mais comme acteur...oh mon Dieu ! Mon seul apport à été la séquence de tir..."("Cahiers du Cinéma" no 190, mai 1967)     

A la fin des années 40,  Stroheim partageait l'affiche avec sa compagne Denise Vernac dans "Le Signal rouge" de Ernest Neubach (1949) et "La Danse de mort" (1948) de Marcel Cravenne; après avoir tourné sous la direction de Arthur-Maria Rabenalt "Mandragore" (1952) et "Minuit...Quai de Bercy" (1953) de Christian Stengel, qui avait rajouté le personnage très excentrique du professeur Kieffer, absent du roman, pour offrir un rôle à Erich von Stroheim, qui n'avait pas travaillé depuis "Boulevard du Crépuscule". Quelques jours avant sa mort, le 12 mai 1957, à l'âge de 71 ans; le gouvernement français le fit Chevalier de la Légion d'honneur. La décoration lui fut remise dans une maison qu'il avait louée près de Paris, en présence de nombreux invités, et c'est au cours de cette fête où l'on buvait du champagne autour d'un mourant, dans l'atmosphère baroque de ses oeuvres, qu'il joua sa dernière scène. Incapable de se mouvoir, il était étendu sur une sorte de brancard placé au milieu du salon. Quand la croix fut épinglée sur son  pyjama de soie noire, il parvint à se dresser à demi sur sa couche et fit un salut militaire." 

                                                          1916- 1919

 

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                         Réalisation : Erich von Stroheim  

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                          Réalisation : Erich von Stroheim

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                              Les Rapaces de Erich von Stroheim                 

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                     La Veuve joyeuse - 1925 de Erich von Stroheim

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                   La Symphonie nuptiale - 1926 de Erich von Stroheim

           

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                       Gabbo le ventriloque - 1929 - de James Cruze

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                  Comme tu me veux - 1932 - de George Fitzmaurice

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                        Queen Kelly - 1928 de Erich von Stroheim

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La grande illusion de Jean Renoir : Erich von Stroheim - Pierre Fresnay

 

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Les disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque : Armand Bernard, Erich von Stroheim, Michel Simon, Aimé Clariond

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                            La Femme et le Monstre - 1944 de George Sherman

 

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                              La Cible vivante  - 1944 de Anthony Mann

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                               Le Masque de Dijon - 1945 de Lew Landers 

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