FRANCOISE ROSAY, LA GRANDE DAME DU CINÉMA FRANÇAISE A LA VOIX MODULÉE
FRANCOISE ROSAY 1891 - 1974
Comédienne Française
Soixante ans de carrière au cinéma (1913-1973), ce n'est pas rien. Mais, peut-être Françoise Rosay serait-elle fidèlle à ses premières vocations -le théâtre, l'Opéra-si elle n'avait pas épousé Jacques Feyder. Elle n'a certes, pas tourné qu'avec son mari mais c'est sous la direction qu'elle a crée, imposé, dans le cinéma des années 30, un personnage de femme mûre prenant, grâce à son allure, son abatage, le charme particulier d'une voix modulée, sans doute, par les études musicales, diverses incarnantions. La patronne d'un café du bled traînant son cafard et ses savates "Le Grand Jeu", la bourgeoise touchée par un amour interdit "Pension Mimosa", la gérante d'une maison louche "Jenny", réalisé par Marcel Carné, assistant de Feyder, c'était elle. Elle aussi, la bourgmestre de "La Kermesse héroïque, capable d'en remontrer aux hommes, la dompteuse des "Gens du voyage" suprêmement autoritaire, la respectacle anglaise emportée dans l'aventure absurde de "Drôle de drame" par l'humour de Prévert et Carné, la Catherine II, virago et croqueuse de mâles du "Joueur d'échecs" de Jean Dréville.
Après la mort de Feyder en 1948, Françoise Rosay continua de mener, avec une vitalité, une énergie prodigieuses, une carrière qui lui valut, jusqu'au bout, une réputation internationale. Passant du drame à la comédie, elle a tout joué, elle a sur tout faire, pour notre plaisir : les grandes dames, les vieilles excentriques et, même les flingueuses de série noire.
Jacques Siclier
Françoise Rosay, de son véritable nom Françoise Gilberte Bandy de Nalèche naquit le 19 avril 1891 à Paris 9ème. Elle décéda le 28 mars 1974 à Montgeron dans l'Essonne. Sa mère était la comédienne Marie-Thérèse Sylviac, son père Monsieur de Nalèche. Guidée par sa mère, elle aborde rapidement le théâtre malgré un goût prononcé pour l'opéra, elle finit par s'inscrire au Conservatoire dans la classe de Paul Mounet.
Dès 1908, Françoise Rosay joue du mélo dans divers théâtres parisiens. Deux ans plus tard, elle obtient un premier accessit de comédie et entre à l'Odéon qui était dirigé par Antoine. Le plaisir de jouer, l'amène jusqu'à Saint-Petersbourg, qui donnait alors des représentations en français (1914), participe à une tournée en Amérique du Sud. Son activité débordante a rayonné dans des domaines variés : le théâtre, l'écriture, le chant, la radio.
Rentrée à Paris en 1914, elle s'adonne au chant, c'est à nouveau le conservatoire où elle est récompensée par un premier prix de soprano lyrique. Ses débuts sont "Castor" et "Pollux" de Rameau en 1916. Elle y chantera encore "Salambo", "Thaïs", et "Faust. En 1917, Françoise Rosay épouse Jacques Frédérix dit Feyder, d'origine belge et qui réalisait alors des films pour Léon Gaumont. Son mariage, la naissance de ses trois enfants, les obligations de la vie familiale l'éloignent peu à peu de son art.
Françoise Rosay dans "Castor et Pollux"
Au cinéma, certains la considèrent pas assez photogénique, elle s'en moque et apparaît furtivement , pour faire plaisir à son mari cinéaste, dans quelques films comme "Crainquebille" (1922) ou "Gribiche" (1925). "Elle s'amuse à jouer du fume-cigarette, du col dur et de la cravate masculine. Elle imprime de la sorte un cachet excentrique à nombre de ses créations. Elle fait rire les américains, mais plus encore les français avec son interprétation d'une princesse extravagante dans "Si l'Empereur savait ça" (1930). Elle y remporte un triomphe, et, se consacre entièrement au cinéma où elle avait déjà joué certaines scènes de "Visages d'enfants" (1923).
Il en découle une série de rôles où elle bouffonne sans répit, aussi bien face à Buster Keaton :"Buster se marie" (1931) de Claude Autant-Lara que dans les répliques à Maurice Chevalier "Le petit café" (1931) de Ludwig Berger. Les parisiens n'en reviennent pas de ce comique déchaîné, eux qui connaissent mal Françoise Rosay aux apparitions jusqu'alors intermittentes : "Les Vampires" (1915) de Louis Feuillade. Il y eut aussi le rôle de Madame de Staël dan "Madame Récamier" (1929) de Gaston Ravel.
C'est le retour à Paris, un accueil enjoué, des propositions rapides, des tournages immédiats. On oublie un peu trop qu'elle a paru, mystérieuse et impressionnante sous son voile de veuve, dans "Le Procès de Mary Dugan" (1931) de Marcel De Sano. Elle eut des allures fantasques dans "Soyons gais" (1930) d'Arthur Robinson ou dans "Echec au roi" (1931) de Léon d'Usseau et Henry de la Falaise. Elle continue à interpréter avec brio les dames collet monté, tant à Paris qu'à Berlin qui la réclame pour d'autres versions françaises. Dans la farce de Bernard-Deschamps, "Le Rosier de Madame Husson" (1932), son succès est vif. Chapeautée et gantée, le sourire pointu, le coeur palpitant, elle pare d'une indulgence distante la généreuse dame-patronesse. Et puis des films de René Pujol "Tout pour rien" (1934), des vaudevilles éprouvés "Coralie et Compagnie" (1934) d'Alberto Cavalcanti, des comédies au titre révélateur "Papa sans le savoir" (1932) de Robert Wyler, des remakes "La femme en homme" (1931) d'Augusto Genina, des opérettes "La Pouponnière" (1933) de Claudio del Torre et cette superproduction berlinoise qui sonne pour elle comme une devise qui sonne pour elle comme une devise : "Tambour battant" (1932) d'Arthur Robison. Heureusement Feyder veille, la sauve de l'asphyxie. La grande époque va commencer...
Remarquablement aidée par sa connaissance de l'anglais et de l'allemand, soutenue par Feyder, dont les films étaient attendus et qui lui écrivait des rôles sur mesure; elle joue en virtuose sur tous les registres, allant de l'émotion au drame, de la comédie de boulevard à la farce, des rôles gais aux sujets larmoyants. Cela jusqu'en 1940. Dès le début de la guerre, elle s'était adréssée par radio aux femmes allemandes, ce qui lui valut pendant l'Occupation d'être jugée indésirable. De Suisse, où elle tourne un film et tient un centre de formation de comédiens de cinéma, elle passe en Tunisie, puis dirige à la radio d'Alger des émissions dramatiques. Elle arrive enfin à Londres, où on la voit dans quelques productions, et ou elle met au point un spectacle de comédies à un personnage, sur des textes de Feyder. Le succès est grand.
C'est de retour d'Hollywood où il venait de diriger Greta Garbo que Jacques Feyder accepta de tourner "Le Grand Jeu" (1934) qui lui rappelait un projet inabouti. Ce sont Pierre Richard-Willm, Marie Bell, Françoise Rosay, Charles Vanel et Pierre Larquey, les principaux interprètes du film qui obtint un succès immédiat et durable. Le public y retrouva le romantisme de la légion et l'atmosphère des chansons de la môme Piaf.
Grâce au "Grand jeu" et "Pension Mimosas" (1934) à "La Kermesse Héroïque" (1935) aux "Gens du voyage" (1938), quatre films réalisés par Jacques Feyder. Françoise Rosay oublie ces bonnes femmes saugrenues qui lui servaient de carte de visite. Elle type avec un sens subtil des nuances quatre portraits de femmes. Blanche, la tenancière d'un hôtel à soldats aux confins du désert, venue on ne sait d'où, économe de mots, blessée et méprisante et qui s'éffraie elle-même de deviner lamort en soulevant des cartes. Cette bonne Madame Noblet qui dépense son énergie à rendre avenante sa pension de famille et que l'âge et la passion mal contrôlée, vouent au supplice de Phèdre. Cornélia, l'épouse du bourgmestre de Boom, astiquant sa demeure, lavant ses enfants, morigénant les servantes, traitant son mari de fantoche. Que le superbe duc d'Olivarés pénètre avec ses troupes dans la fraîche cité flamande, aussitôt les échevins se claquemurent. Madame la bourgmestre regroupe les dames en titre, remet les clefs à l'occupant et, à la faveur d'une nuit où se mêlent intimement l'opulence des Flamands et la somptuosité des Espagnols elle évite à la ville massacres et pendaisons et gagne le collier du séduisant vainqueur qui, en s'éloignant, la salue d'un grand revers de plumes. Flora, enfin la domptueuse du cirque Barlay, maîtresse femme que les hasards du mélo écartèlent entre une vieille passion et son amour maternel. Les fauves rugissent, la caravane passe et suit la route interminable. La dompteuse écrase une larme, rêve de l'enfant qui va naître et, la chambrière haute, prend sa place dans la parade.
Dès lors Françoise Rosay peut tout se permettre : devenir par exemple "Jenny" (1936) de Marcel Carné, directrice d'une boîte de nuit que les détours de l'intrigue posent en rivale de sa fille; passer à l'amidon de la respectabilité l'Anglaise sur le retour, virtuose du canard à l'orange et victime du qu'en dira-t'on "Drôle de Drame" (1937) de Marcel Carné. Considéré comme un classique du cinéma français, ce film connu un demi-échec lors de sa sortie.
Françoise Rosay campa très sérieusement la grande Catherine, bottée, culottée, pipe au bec, ou parée de bijoux que le favori de la nuit dégrafe sa robe dans "Le Joueur d'échecs" (1938) de Jean Dréville. A la Libération, elle retrouve les studios français et, malgré la disparition de Feyder, mort en 1948, continue sa carrière cinématographique lui donnant une véritable dimension internationale. Elle renoue avec le théâtre tant à Paris (Oncle Harry), (La famille écarlate), (il est important d'être aimé), (La soupière) qu'à Londres et New York.
La Grande Dame du Cinéma Français avait enchaîné de nombreux tournages, éblouir par sa virtuosité à détailler le sketch initial de "Carnet de Bal" (1937) de Julien Duvivier. Qu'importe après cela qu'elle s'installe sur "Un Fauteuil 47" (1937) de Fernand Rivers avec Raimu ou qu'elle participe aux confidences sucrées du "Secret de Polichinelle" (1936) d'André Berthomieu. En alsacienne à coiffe de velours, les cheveux roulés en macaron, elle se fait rabrouer par Serge Veber : "Il faut avoir le courage de dire à Madame Françoise Rosay malgré le respect que nous avons pour son grand talent, qu'elle ne peut plus jouer les petites filles à marier."
Scories à quoi pourraient s'ajouter les adaptations de Marcel Prévost "Marie des Angoisses" (1935) de Michel Bernheim. La grande actrice les foule d'un pied assuré, certaine de son ascendant sur le public et se rappelant ce jugement péremptoire : "Elle parvient à donner l'illusion de la réalité absolue là ou l'on pourrait évoquer de l'arbitraire dans le sujet."
Inflexibles et indomptée, elle s'exile pendant la guerre. En Suisse où Feyder la rend un peu envahissante dans les quatre sketches écrits sur mesure pour "Une Femme disparaît" (1941). En Algérie où elle s'installe à la radio. En Angleterre où elle sacrifie au film de propagande "Johnny Frenchman" (1943) de Charles Frend. De retour en France, elle retrouve à la fois les dames de grande vertu, au regard sec et la voix sifflante "La Dame de Haut le bois" (1946) de Jacques Daroy, et les créatures de petite vertu, pétries de vice "Macadam" (1946) de Marcel Blistène avec Paul Meurisse et Simone Signoret.
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A la mort de Jacques Feyder, elle saisit un bâton de pélerin et parcourt les continents. Elle tourne sous la direction de Michael Balcon, de Geza Radvanyi, d'Henri Storck, Otto Preminger la substitue à Sylvie dans le remake du "Corbeau" (1950) et Marc Allégret la choisit pour jouer la compatissante mère Chapdelaine "Maria Chapdelaine" (1950) au côté de Michèle Morgan. Françoise Rosay passe sous les caméras italiennes, et revient en Allemagne où, avant la guerre, des nazis aussi convaincus que Hans Steinhoff "Vers l'abîme" (1934).
En Frane, avant tout, l'aubaine de retrouver Claude Autant-Lara avec l'inoubliable confession à travers un gril, scène pivot et sommet de "L'Auberge rouge" (1951), un de ces plus beaux rôles au cinéma. Elle s'enveloppe de majesté déchue en vieille noble miséreuse dans le film à sketches "Les Sept Péchés Capitaux" (L'Orgueil) (1962). Claude Autant-Lara lui offre un des principaux rôles du "Joueur" (1958) avec Gérard Philipe et Bernard Blier. Quelques années auparavant, Françoise Rosay avait accepté d'incarner Gabrielle Demeuse dans "Le Banquet des Fraudeurs" (1951), unique long métrage réalisé par Henri Storck. Elle donne un accent particulièrement âpre à la mère douloureuse du "Bois des Amants" (1960), film méconnu de Claude Autant-Lara avec Laurent Terzieff. En une vingtaine d'année, une quarantaine de rôles. Sans relâche, avec apparitions sur scène. Apparemment sans fatigue, allant de "La Reine Margot" (1954) de Jean Dréville où implacable Catherine de Médicis, elle sort tout vive des pages de Dumas, à la résistante normande du "Jour Le Plus Long" (The Longest Day,1961) produit par Darryl Zanuck et gravant à l'eau forte des personnages épisodiques : "Du Rififi chez Les Femmes" (1958) d'Alex Joffé, "Le Cave se rebiffe" (1961) de Gilles Grangier; "La métamorphose des Cloportes" (1965)de Pierre Granier-Deferre, mais aussi "Trois Milliards sans ascenseur" (1972) de Roger Pigaut.
Françoise Rosay contina à donner des courts d'art dramatique. Auteur avec Jacques Feyder du livre "Le Cinéma, notre métier", officier de la Légion d'honneur, Françoise Rosay meurt à Montgeron (Essonne) le 28 mars 1974 à l'âge de 82 ans, après avoir passé près de 60 ans consacré exclusivement au théâtre et au septième Art.
Avec le concours de l'édition Flammarion "Noir&Blanc d'Olivier Barrot et Raymond Chirat
1948
1951
1951
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La Passe dangereuse (1957) de Ronald Neame
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_____________A suivre prochainement______________________
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